Tuesday, June 24, 2008
Ibn Khaldoun
Biographie
1) Ibn Khaldoun : naissance et enfance
Ibn Khaldoun, ou Abou Zeid Abd ar-Rahman ibn Mohammed ibn Khaled al-Hadhrami, né le 27 mai 1332 à Tunis et décédé le 19 mars 1406 au Caire, est le descendant d’une famille venue d’Andalousie avec la première vague d’émigration du début du XIIIe siècle. Mais ses véritables et lointaines origines sont arabes de Hadhramaout au Yémen comme il l’a affirmée dans son autobiographie « et notre ascendance est de Hadhramout , des Arabes du Yémen, par l’intermédiaire de l’Ibn Hajar de Wa’il, du meilleur des Arabes. »
La situation aisée de sa famille lui a permis d’étudier avec les meilleurs professeurs de L’Afrique du nord de son époque. Il reçoit alors une éducation arabe classique en étudiant les sciences religieuses la langue arabe, mais aussi les mathématiques et la philosophie à travers les travaux d’Avicenne, d’Averroès et d’Al-Razi. À l’âge de 17 ans, Ibn Khaldoun perd ses deux parents suite à l’épidémine de la peste qui frappa Tunis.
2) Ibn Khaldoun : une vie mouvementée
Dès la mort de ses parents Ibn Khaldoun commence un parcours riche . Il l’entame en devenant «Garde du Sceau» du sultan hafside Abû-Ishâq. Trois ans après il quitte Tunis pour rejoindre la cours du sultan Fès , ou il est resté neuf ans pour terminer sa formation scientifique auprès des grands oulémas de l’université Qarawin. En 1363 il décide de partir en Andalousie, à Grenade ou il fait la connaissance du grand historien Lisân ad-dîn Ibn al-KhatibA l’âge de 32 ans, Ibn Khaldoun décide de retourner au maghreb où il passe 10 années en élargissant ces connaissances biais les diverses cours de la région . Il décide ensuite de quitter cette « marais de la politique » et de faire une Khalwa ou retraite spirituelle à la Qal’a d’Ibn Salama en Algérie. Pendant les quarte années de retraite il entame un travail de réflexion et d’écriture qui bouleversera la pensée Arabo-Musulmane, et qui l’inscrira dans l’histoire pour l’éternité. La Muqaddima ou Prolégomènes selon la traduction littérale, fut l’oeuvre la plus considérable de notre historien et sociologue. Il disait en parlant de son travail «C’est là que j’ai commencé à rédiger ce livre et que j’ai achevé La Muqaddima avec son caractère original et inédit qui la distingue et qui m’a été inspiré par cette khalwa» . Traduite en français par l’orientaliste et l’islamologue Vincent Monteil en 1967, La Muqaddima fait plus de 1.300 pages : «Une véritable encyclopédie» disait Monteil, et un vrai «discours sur l’histoire universelle».
Il commence ensuite à rédiger son histoire universelle « Kitâb al ‘ibar » ou il a traité l’histoire ancienne et moderne des Arabes, des Persans, et des Berbère, sans s’arrêter sa vie durant d’apporter des modifications à ce livre.
Après cette retraite passée dans le désert Ibn Khaldoun renoue avec la vie citadine. Il va à Tunis où il est bien accueilli par le Sultan. Il enseigne alors dans la grande université de la Zitouna, mais suite à une violente controverse religieuse et scientifique avec l’Imam Muhammed Ibn ‘Arafa, bien connu par sa stricte orthodoxie malikite, il se trouve dans l’obligation de quitter sa terre natale pour le Caire en Égypte, ainsi il s’investit dans l’enseignement à l’université d’Al Azhar et de prendre la fonction de cadi juge, jusqu’à sa mort.
Ainsi fut la vie mouvementé d’Ibn Khaldoun, passé entre les cours des sultans de l’époque, et les grandes universités du nord d’Afrique. Ibn Khaldoun mourra au Caire le 17 mars 1406. Il est enterré au cimetière des Soufis réservé aux savants et aux hommes de lettres. Il est parti en laissant un grand patrimoine à la civilisation humaine. Ses ouvres et ses idées trouvent jusqu’à nos jours leurs place dans la pensé moderne.
II. Apport d’Ibn Khaldoun à la civilisation humaine:
1)Oeuvres d’Ibn Khaldoun:
Contrairement à la plupart des savants arabes Ibn Khaldoun a laissé peu d’écrit. On peut citer par exemple « loubèb élmouhassil fi oussoul eddin » un commentaire sur la théologie, chifa éssaiil, petit livre sur l’histoire des berbères , mais son oeuvre la plus considérable reste son livre d’histoire universelle qui s’intitule « Le Livre des Exemples et le Registre des commencements et de l’histoire des Arabes, des non-Arabes et des Berbères, ainsi que des peuples les plus puissants parmi leurs contemporains ».
Cette encyclopédie historique se compose : d’une Introduction, d’une autobiographie et de 3 livres. On appelle Muqaddima : l’Introduction et le 1er Livre ( les deux étant appelés : Prolégomènes )
Le contenu des Prolégomènes : Des considérations générales sur la science de l’histoire et sur les deux formes de civilisation résultant de la vie nomade et de la vie sédentaire, sur les caractères qui les distinguent, sur les institutions, les sciences et les arts.
Le 2e Livre : renferme l’histoire des Arabes et des peuples étrangers, depuis les temps les plus anciens jusqu’à l’époque de l’auteur.
Le 3e Livre : traite de l’histoire des tribus berbères de l’Afrique septentrionale et des royaumes qu’elles ont fondés.
encore faut il signaler ici que le livre évoque d’autres nations comme les Juifs, les Babyloniens, les Coptes, les Perses, les Grecs, Romains, Byzantins, les Francs, les Turcs et les Noirs.
2)Ibn Khaldoun le précurseur:
Ibn Khaldoun est cité par plusieurs intellectuels européens et arabes, comme précurseur de la sociologie.
Il est décrit par Arnold Toynbee comme celui qui « a conçu et formulé une philosophie de l’Histoire qui est sans doute le plus grand travail qui ait jamais été créé par aucun esprit dans aucun temps et dans aucun pays.» .
L’islamologue et orientaliste français affirme que «Son discours sur l’Histoire Universelle, annonce trois siècles à l’avance celui de Bossuet ( 1627-1704 , avec son œuvre portant le même titre ) Ibn Khaldoun se présente comme historien, ce qu’il est en effet ; mais il est aussi, cinq siècles, avant Auguste Comte, l’inventeur de la sociologie : Ibn Khaldoun dit dans sa Préface : “Notre propos actuel est d’une conception nouvelle, c’est une science indépendante, dont l’objet spécifique est la civilisation humaine et la société humaine.” Il s’agit pour ibn Khaldoun, d’étudier la nature de la civilisation, à savoir : La vie sauvage et la vie sociale, les particularismes dus à l’esprit de clan et les modalités par lesquelles un groupe humain en domine un autre ; ce qui le conduit à examiner la naissance du pouvoir, des dynasties et des classes sociales, des professions lucratives et des manières de gagner sa vie, enfin des sciences et des arts. Articulée en 6 grands chapitres, c’est une somme des connaissances de son temps que nous livre ainsi le lointain précurseur de nos encyclopédistes. »
Ibn Khaldoun, porteur de nouvelles visions qui trouvent leurs intérêts dans leur modernité, est aussi considéré comme précurseur des sciences économiques modernes .
Il s’est beaucoup intéressé aux questions économiques ainsi qu’au problème du travail et du profit. Le géopoliticien Yves Lacoste considère son travail comme « une forme de pensée marxiste matérialiste avant la lettre ». Il est vraiment intéressant de remarquer qu’Ibn Khaldoun bien avant Marx affirme dans la Muqaddima que toute la valeur vient du bénéfice. Il est parmi les premiers à décrire l’économie politique: selon lui un produit prend toute sa valeur dans les processus qui aboutissent à sa création : les techniques employés, les matériaux utilisés détermine sa valeur. Il a aussi fait la distinction entre le bénéfice et la sustainance.
3) Ibn Khaldoun l’éducateur:
Le génie de cet homme ne s’arrête pas là. En effet Ibn Khaldoun traite dans son livre des droits de l’homme, Vincent Monteil affirme: «On ne s’étonnera pas davantage de rencontrer, sous la plume d’Ibn Khaldoun, l’expression de conceptions ou d’institutions que le monde musulman avait mises en honneur avant le nôtre», telles que «les règles concernant la guerre, les non-combattants (les civils), les prisonniers, les trêves, élaborées en terre d’Islam du VIIe siècle au XIIIe siècle, ou encore les questions relevant de l’exercice de la justice ». Notre historien met en relief ainsi les valeurs nobles sur lesquelles s’est construite la civilisation Arabo-Musulmane. Notre civilisation est pionnière dans le respects des droits de l’homme, comme l’affirme l’historien Edmond Roulbâth qualifiant ces actions de «respect silencieux des droits de l’homme». On devrait alors être fier de ces valeurs et s’engager avec force à répandre ses valeurs dans nos pays.
Ibn Khaldoun traite de l’éducation. Je trouve qu’il est très intéressant de réecrire les citations suivantes, prise du premier article publié dans racines , et qui illustrent son esprit critique et la modernité de sa pensée
“Le comportement autoritaire dans l’éducation est à la source de paresse et handicap mental dans l’acquisition des valeurs et des savoir”
“Celui éduqué par la violence perd le sens créatif, perd toute activité d’esprit et s’enfonce dans les mensonges et la délinquance”.
“Les objectifs de tout acte d’enseignement/apprentissage sont atteint par l’utilisation de supports didactiques et la concrétisation des notions scientifiques”
“Le développement des compétences est atteint par la discussion, L’apprentissage collectif et la résolution des conflits cognitifs par le co-apprentissage”
“L’utilisation de la méthode inductive comme approche pédagogique”
Ibn Khaldoun a même évoqué la question de la mondialisation culturelle en affirmant
“Le vaincu s’identifie à son vainqueur dans son comportement, ses traditions, ses valeurs et sa culture” (le vaincu est souvent une personne, un peuple, une nation ou encore une civilisation)
Tel était l ’apport considérable d’Ibn Khaldoun. Cette brève autobiographie prouve bien, je l’éspère, que la culture Arabo-Musulmane a mis au monde des personnes qui ont influencé la pensée humaine et s’identifier à ces personnages n’est donc qu’une humble reconnaissance de ce qu’il ont fait pour notre culture . Un effort de production et d’excellence est demandé à chaque individu appartenant à notre civilisation afin de rendre possible une nouvelle renaissance. Et comme l’a affirmé Ibn Khaldoun pour qu’une civilisation persiste elle doit miser sur la reproduction des élites.
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